Immobilier : tout savoir sur le droit de préemption et le congé au locataire
Notifier le droit de préemption à un locataire implique-t-il nécessairement de donner congé au locataire ?
Tous les locataires ne bénéficient pas d’un droit de préemption sur le bien qu’ils occupent.
Légalement, les locataires qui bénéficient d’un droit de préemption sont :
- le locataire des baux non meublés régis par la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 en cas de congé pour vendre,
- le locataire des baux commerciaux régis par les articles L145-1 et suivants du Code de commerce ;
- le locataire ou occupant de bonne foi d’un ou plusieurs locaux à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel vendus suite à la division initiale ou à la subdivision de tout ou partie d’un immeuble par lots,
- et le locataire ou occupant de bonne foi d’un immeuble à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel de plus de cinq logements, vendu dans sa totalité et en une seule fois, au profit d’un acquéreur ne s’engageant pas à proroger les contrats de bail à usage d’habitation en cours à la date de la conclusion de la vente afin de permettre au locataire ou occupant de bonne foi de disposer du logement qu’il occupe pour une durée de six ans à compter de la signature de l’acte authentique de vente.
S’agissant des autres baux, la loi n’a pas créé de droit préférentiel au bénéfice des locataires. Cela n’empêche pas les parties de le prévoir expressément aux termes de leur bail s’ils le souhaitent.
Le droit de préemption du locataire
Le droit de préemption du locataire permet à ce dernier d’acheter en priorité le bien qu’il occupe lorsque le propriétaire (bailleur) décide de le vendre.
Dans quels cas un locataire est-il prioritaire sur la vente d’un bien immobilier ?
Les conditions régissant l’existence du droit de préemption lors de la vente d’un bien loué dépendent de la nature spécifique du bail, ainsi que des circonstances nécessitant la communication de ce droit, qu’il s’agisse de la volonté mutuelle des parties, d’une vente en bloc de l’immeuble, ou d’une vente résultant de la division ou de la subdivision de celui-ci.
Baux à usage d’habitation à résidence principale et droit de préemption
Le logement loué nu constituant la résidence principale du locataire
Principe. L’article 15 de la loi n°89-462 précitée institue un droit de préemption au profit du locataire d’un logement loué nu (non meublé) lorsque le propriétaire veut vendre le logement vide. Et pour cela, il doit donner congé au locataire.
Le congé avec notification du droit de préemption du locataire doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée.
Le congé vaut offre de vente au profit du locataire valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis.
Le locataire du logement nu qui n’est pas intéressé pour acheter le bien qu’il occupe doit quitter les lieux à la fin du bail.
Et dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux, avant ou après la sortie du locataire qui a refusé l’offre de vendre initiale, il doit être notifié au locataire ces conditions et prix à peine de nullité de la vente.
Exceptions. Le locataire d’un logement nu n’est pas prioritaire sur la vente du logement qu’il occupe lorsqu’il est vendu :
– au profit d’un parent jusqu’au troisième degré inclus du propriétaire, sous la condition que l’acquéreur occupe le logement pendant une durée qui ne peut être inférieure à deux ans à compter de l’expiration du délai de préavis,
– lors de toute division par appartements d’immeubles qui sont frappés d’une interdiction d’habiter, ou d’un arrêté de péril, ou sont déclarés insalubres, ou qui comportent pour le quart au moins de leur superficie totale des logements loués ou occupés classés dans la catégorie IV mentionnée par la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948, c’est-à-dire des logements situés dans une construction en matériaux défectueux ou dans un immeuble dépourvu de tout équipement.
Les logements loués dans un immeuble collectif
Deux situations possibles :
1/ La vente suite à division initiale ou subdivision de l’immeuble
Principe. L’article 10 de la loi n°75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d’habitation institue un droit de préemption à tout locataire d’un logement vendu suite à la division initiale ou à la subdivision de tout ou partie d’un immeuble par lots.
On parle de division initiale lorsqu’un immeuble en monopropriété, et composé de plusieurs logements, est vendu pour partie par exemple. La vente d’une partie des logements, ou même d’un seul, entraîne la division de l’immeuble et ainsi la création d’une copropriété.
On parle de subdivision lorsque le propriétaire d’un lot de copropriété procède à la division de celui-ci en deux ou plusieurs lots pour les vendre.
Le bailleur doit, à peine de nullité de la vente, faire connaître par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à chacun des locataires ou occupants de bonne foi, l’indication du prix et des conditions de la vente projetée pour le local qu’il occupe.
Cette notification vaut offre de vente au profit de son destinataire.
Exceptions. Dans ce cas de figure, le locataire ou occupant de bonne foi n’est pas prioritaire lors de la vente du logement par le propriétaire au profit d’un parent ou allié jusqu’au quatrième degré inclus.
2/ La « vente en bloc »
Principe. L’article 10-1 de la même loi n°75-1351 institue également un droit de préemption au profit de tout locataire ou occupant de bonne foi d’un logement vendu dans le cadre de la vente dans sa totalité et en une seule fois, d’un immeuble à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel de plus de cinq logements au profit d’un acquéreur ne s’engageant pas à proroger les contrats de bail à usage d’habitation en cours à la date de la conclusion de la vente afin de permettre à chaque locataire ou occupant de bonne foi de disposer du logement qu’il occupe pour une durée de six ans à compter de la signature de l’acte authentique de vente qui contiendra la liste des locataires concernés par un engagement de prorogation de bail.
Le bailleur doit faire connaître par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à chacun des locataires ou occupants de bonne foi l’indication du prix et des conditions de la vente, dans sa totalité et en une seule fois, de l’immeuble ainsi que l’indication du prix et des conditions de la vente pour le local qu’il occupe.
Cette notification vaut offre de vente au profit du locataire ou occupant de bonne foi.
Exceptions. Ici, le locataire ou occupant de bonne foi n’est pas prioritaire lors de la vente du logement par le propriétaire au profit d’un parent ou allié jusqu’au quatrième degré inclus ou en cas d’exercice de l’un des droits de préemption urbains.
Dans ces deux cas de figure (vente « en bloc » ou vente « à la découpe »), le locataire ou occupant de bonne foi d’un logement à usage d’habitation bénéficie d’un droit de préemption qui ne vaut pas congé. En effet, ce n’est pas la volonté de vendre le logement libre de tout occupant qui oblige le propriétaire à notifier le droit de préemption du locataire mais la situation particulière.
Ainsi le locataire qui n’est pas intéressé par l’acquisition du logement qu’il occupe reste dans les lieux à la vente du bien et garde son statut de locataire ou occupant de bonne foi.
Les baux commerciaux et droit de préemption du locataire
Principe. Lorsque le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il doit en informer le locataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement.
Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée.
La notification faite au locataire commercial vaut offre de vente à son profit.
Exceptions. Le droit de préemption du locataire commercial n’est pas applicable notamment :
– en cas de cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial,
– en cas de cession unique de locaux commerciaux distincts,
– en cas de cession d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial,
– en cas de cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux,
– en cas de cession d’un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint,
– en cas d’exercice de l’un des droits de préemption urbains.
En matière de baux commerciaux, la notification de la volonté de vendre le local ne vaut pas congé pour vente. Il est simplement notifié au locataire que le propriétaire vend le local et qu’il est prioritaire sur ladite vente.
Ainsi le locataire commercial qui n’est pas intéressé par l’acquisition de l’immeuble qu’il occupe reste dans les lieux à la vente du bien et demeure locataire commercial.
Droit de préemption et congé au locataire, ce qu’il faut retenir
Ce n’est pas parce qu’il doit être notifié un droit de préemption en cas de vente d’un bien à un locataire que cela implique nécessairement que la notification doit également contenir congé au locataire.
Et à l’inverse, ce n’est pas parce que le propriétaire donne un congé pour vente que le locataire a un droit de priorité sur la vente. Ainsi, la loi ne prévoit pas de droit de préemption en cas de délivrance d’un congé pour vendre au locataire d’un logement meublé.
Les critères à l’existence du droit de préemption en cas de vente du bien loué sont attachés à la nature du bail ainsi qu’aux raisons de l’obligation de communiquer ce droit (volonté des parties, vente en bloc ou vente suite division ou subdivision de l’immeuble).
Lorsqu’un mandat de vente porte sur un bien loué, le professionnel de l’immobilier doit s’assurer en premier lieu du régime du bail signé, et donc des règles légales applicables en cas de vente du bien par le propriétaire, et en second lieu des particularités du bail comme la création d’un droit de préférence au profit du locataire, afin d’assurer sa mission d’information et de conseil envers ses clients.